L'Héritière
Réveil avant l'aube.
Un saut à l'école
pour déposer les deux demoiselles.
Bas de pantalon trempé.
Sous la langue,
un goût d'impatience
Parce que sur la table, en-bas,
m'attend l'héritière.
Souvenez-vous, le dernier post.
La MAC fatiguée.
Réparée, elle se dérobait encore un peu.
Alors, chez le marchand-réparateur :
- Vous auriez quoi en occasion ?
- Beaucoup de choses, ça dépend.
- Oui, mais quelque chose de solide,genre semi-industriel, très bon état et qui pique les grosses épaisseurs et qui fait un bruit de velours et qui est lourde à porter et...
(la voix baisse, chuchote presque)
- C'est plutôt rare, enfin, si dès fois... je vous rappelle.
- D'accord. Et si, dès fois, c'était une Bernina 930 ?
- Ah non. Cela n'arrive jamais.
- Jamais ?
- Non, les gens les gardent. Des Bernina, j'en ai plein mais celle-ci, on se la transmet dans les familles. C'est pour cela qu'on l'appelle l'héritière.
- Ah.
- Enfin, je vous l'ai dit, je vous rappelle. Mais attention, pas demain, ni la semaine prochaine. Un jour, si j'ai quelque chose, je vous rappelle.
- Oui,oui, je vous fais confiance.
Deux jours plus tard :
- J'en ai une.
- Oui ? Une machine ?
- Non, une Bernina 930.
- silence
- Ça vous intéresse toujours ? Parce que depuis ce matin, j'ai déjà deux personnes dessus.
- J'arrive.
Et quelques heures plus tard :
Pas vieille du tout (5 ou 6 ans),
vintage à mort,
dans un état parfait, quasi neuve.
Elle pèse un âne mort.
Entièrement fabriquée en Suisse,
toute en métal
Il m'arrive encore, le doigt sur le fil,
de pousser un profond soupir en la regardant.
Introuvable sur Ebay, le boncoin et autres...
Il fallait mon réparateur
pour nous réunir.
Pas encore grand chose à vous montrer.
Pour l'instant, je joue, j'essaie.
Mais quand même, une Compiègne
cousue juste avant.
Taille 2 ans, velours mille-raies mousse
de chez Diffus'laine
5 plis plats sur le devant,
un bout de dentelle dans l'ourlet.
Modèle Compiègne, La Droguerie
Soupir.